Quelques
mannequins russes ressemblent à des enfants : le mécanicien à voulu faire croire, sans doute, à une création successive, à des générations nouvelles dans l'immobilité stérile de son empire mécanique.
II y a, dans ce mystérieux empire, une véritable armée de fonctionnaires que l'on pourrait appeler des graisseurs d'Etat. Ils passent leur temps à graisser, sous peine de mort, les rouages de cette immense machine ; ils graissent, ils suiffent, du matin un soir, les articulations du royaume, et c'est là sans doute ce qui a fait dire bien des fois que les Russes mangeaient des chandelles.
Soixante millions de mannequins appartiennent à une seule volonté, à un seul pouvoir, à un habile et puissant empereur : c'est son bien, son héritage, sa conquête, presque son oeuvre par les perfectionnements qu'il a donnés à la machine de Pierre Ier et de Catherine II. Il ne faut point féliciter ce grand et malheureux souverain-, il ne faut pas non plus l'envier ou le redouter : il faut le plaindre. Quelle singulière et triste puissance que celle d'un roi qui pourrait se promener à travers son royaume, une lanterne à la main , en s'écriant comme Diogène : Je cherche un homme!